COMMENT NADIRA A SURMONTÉ L’EXCLUSION ET FAIT ENTENDRE SA VOIX
Dans le centre animé de Tyr, au Liban, des enfants entrent dans une salle de classe gaiement décorée. Il est tôt, les élèves sont calmes et silencieux. Lorsque l'enseignant commence la leçon d'anglais, leur énergie commence à se manifester et bientôt la classe est animée par les bavardages d’élèves enthousiastes.
Pendant les travaux de groupe, la voix d'une jeune fille se fait clairement entendre alors qu’elle aide ses camarades à comprendre la leçon. C’est la voix de Nadira, une jeune fille de 11 ans, pleine d’énergie et d’assurance qui adore apprendre. Ses yeux brillent et son sourire est contagieux. À sa rencontre, on sent qu'elle est capable de faire tout ce qu'elle veut ; elle rayonne de positivité et de détermination.
Mais Nadira n'a pas toujours été confiante et si communicative. Depuis son arrivée au Liban, Nadira a souvent été la victime de brimades en raison de son statut de réfugiée palestinienne et syrienne. Cela a beaucoup affecté sa confiance en elle et l'a empêché d'avoir des relations sociales avec les autres. Cela s’est également répercuté sur ses résultats scolaires. Nadira avait du mal à participer en classe et avait du mal à trouver de la motivation.
Mais dès que Nadira a commencé à participer à des séances d'apprentissage par le jeu dans un des centres locaux, les choses ont commencé à changer. Grâce à des plans d'apprentissage personnalisés et à l'accès à un soutien psychosocial, Nadira a commencé à surmonter ses insécurités et à prendre confiance en elle. Aujourd'hui, avec le soutien retrouvé de ses camarades de classe et de ses professeurs, elle excelle dans ses études et a retrouvé l'espoir et se projette vers un avenir radieux.
PERDRE L'ESPOIR ET SA CONFIANCE EN SENS SOI
Plus de 1,5 million de personnes réfugiées en provenance de Syrie ont trouvé refuge au Liban depuis le début de la guerre civile en 2011. La famille de Nadira en fait partie. Elle vit dans un camp de réfugiés au Sud-Liban depuis sa naissance. En grandissant dans ce camp, Nadira a été confrontée à de nombreux défis que rencontrent les personnes déplacées. Toutes ces difficultés ont été exacerbées par les crises politiques et économiques que traverse le pays, notamment l'inflation galopante et les nombres pannes d'électricité. Selon les Nations Unies, environ 90 % des réfugiés syriens et syriennes au Liban vivent dans une extrême pauvreté. L'insécurité alimentaire, le manque d'accès à l'éducation et les tensions permanentes entre les populations hôtes et réfugiées sont autant de facteurs qui affectent la vie quotidienne de ces personnes réfugiées, Nadira incluse.
Chez les enfants scolarisés, les brimades sont courantes. Ces enfants victimes de brimades vont souvent faire état de dépression, d'anxiété, de solitude ou d'un désir de se retirer des activités sociales. Ces brimades peuvent également amener les victimes à ne plus vouloir aller à l'école ou, dans les cas extrêmes, à abandonner leurs études.
"J'AVAIS HONTE D'ÊTRE ÉTRANGÈRE ET MON ESTIME DE SOI ÉTAIT AU PLUS BAS. J'AVAIS DU MAL À ME CONCENTRER AINSI QUE D'AUTRES DIFFICULTÉS D'APPRENTISSAGE". - NADIRA
Nadira se souvient à quel point c’était difficile d'être la victime de brimades à l'école en raison de ses origines. C’était d’autant plus dur que contrairement à beaucoup d'autres enfants, elle n'avait pas de famille, même élargie dans la région. Les membres de sa famille étant dispersés dans différents pays, Nadira ne peut pas participer aux traditions et fêtes familiales à la différence de ses camarades. En plus d'être malmenée par ses camarades, elle se souvient avoir été victime de discrimination de la part d'autres membres de sa communauté et d'avoir eu l'impression d'être traitée comme une citoyenne de seconde zone.
Nadira a commencé à perdre confiance en elle et s'est repliée sur elle-même. La situation est devenue si grave qu'elle ne parlait presque plus, de peur d'attirer l'attention sur elle. Elle avait du mal à se concentrer à l'école et à suivre les cours, prenant beaucoup de retard dans des matières comme l'anglais, la lecture et l'écriture. "Je restais tout le temps sans voix. Je me sentais seule et incapable de m'engager ou de participer à quelque activité que ce soit", explique-t-elle. "J'avais honte d'être une étrangère et mon estime de soi était très faible. J'avais du mal à me concentrer et je rencontrais d'autres difficultés d'apprentissage.
VAINCRE SA PEUR
C'est alors que Nadira a été invitée à s'inscrire à un programme d'apprentissage soutenu par le projet EQIE (Enhancing Quality and Inclusive Education) de Right To Play. Au Liban, EQIE forme des coaches et des éducateurs et éducatrices afin qu'ils et elles puissent apporter un soutien éducatif et psychosocial solide aux enfants en utilisant des approches d'apprentissage basées sur le jeu. Le programme auquel Nadira a participé se tenait dans un centre communautaire local et dirigé par des enseignants et enseignantes formés par Right To Play au sein d'une organisation partenaire appelée Developmental Action Without Borders (Nabaa).
Lorsque Nadira est arrivée au centre Nabaa, un spécialiste de l'apprentissage formé par Right To Play a procédé à une évaluation détaillée des besoins de Nadira et a élaboré un plan d'éducation individuel (PEI) pour remettre son apprentissage sur les rails. Un professionnel de la santé mentale a fourni à Nadira un soutien psychosocial pour l'aider à surmonter ses angoisses sociales en utilisant des activités ludiques qui l'ont aidée à s'exprimer, à apprendre à gérer des émotions difficiles et à prendre confiance en elle. Le conseiller a également invité la mère de Nadira à participer à des séances de soutien parental, lui fournissant des ressources et des stratégies pour faire face aux difficultés d'élever un enfant dans un environnement rempli de nombreux défis.
Nadira hésitait à s'engager pleinement dans le programme, mais petit à petit, elle a commencé à faire confiance aux personnes et à se sentir en sécurité, ce qui lui a permis de se concentrer sur ses études. Lors des séances d'apprentissage, elle s'est exercée à la lecture et à l'écriture grâce à des jeux dirigés par les enseignants et enseignantes du centre.
"L'ÉQUIPE DE SOUTIEN À L'APPRENTISSAGE M'A OFFERT UN CADEAU PRÉCIEUX : L'ESPOIR DE REDEVENIR MOI-MÊME. - NADIRA
La santé mentale de Nadira s'est considérablement améliorée et sa confiance en elle a grimpé en flèche. Grâce à un soutien continu et aux compétences d'adaptation qu'elle a pu acquérir au cours des séances de soutien psychosocial, elle a commencé à se rapprocher des autres enfants. Les activités et les jeux de groupe lui ont permis de communiquer avec les autres et d’établir des amitiés dans un cadre sûr. Elle a commencé à se sentir plus à l'aise pour sortir de sa zone de sécurité, prendre des risques et tenter de nouvelles choses.
"J'ai complètement changé depuis que j'ai participé à ce projet et que j'ai reçu le soutien de l'équipe d'aide à l'apprentissage", déclare Nadira. "L’équipe m’a offert un cadeau précieux : l'espoir de redevenir moi-même. Depuis que j'ai commencé à participer à ces sessions au centre d'apprentissage, j'ai commencé à redécouvrir qui j'étais et à développer mon estime de soi."
Avec le temps, elle est devenue chef d'équipe puis assistante du professeur, prenant plaisir à aider les autres élèves à accomplir leurs tâches et leurs devoirs.
"J'aime les sessions d'apprentissage par le jeu, en particulier celles qui concernent la lecture et l'écriture. Cela m'aide à me sentir bien intégrée, comme faisant partie de l’équipe et ainsi montrer à mes amis ce que je sais faire. Je me sens respectée et je prends beaucoup de plaisir à aider les autres à résoudre des problèmes et à apprendre", a déclaré Nadira.
Aujourd'hui, la version silencieuse et renfermée de Nadira a disparue. C'est une élève confiante et joyeuse qui est la première de sa classe avec une moyenne de 96 sur 100. Lorsqu'elle aide ses camarades, Nadira les guide patiemment dans des matières qu'elle avait, il n'y a pas si longtemps, du mal à maîtriser. Dès qu’ils et elles commencent à se sentir frustrés, elle les encourage gentiment et utilise certains des jeux qu'on lui a enseignés pour les aider à trouver les solutions par eux-mêmes. Si un camarade de classe trouve la bonne réponse, ses yeux s'illuminent et elle célèbre sa réussite avec enthousiasme. Son rôle de meneuse l'a aidée à être acceptée et à gagner le respect et la confiance de ses camarades.
Nadira a enfin commencé à sentir qu'elle faisait partie d'une communauté et qu'elle pouvait aider les autres en partageant son histoire et en les encourageant lorsqu'ils et elles rencontrent des difficultés dans leurs études. Elle se porte souvent volontaire pour aider les élèves qui ont du mal à bien comprendre le contenu du cours. "L'équipe du programme est devenue ma famille, et depuis que j'ai commencé à partager mes expériences, je ne me sens plus seule", déclare Nadira. "Je me sens forte grâce à aux enseignants et enseignantes qui m’ont accompagnée. Ils et elles m'ont aidée à devenir forte et à améliorer ma confiance en moi." Lorsque Nadira pense à l'avenir, elle rêve de devenir professeur d'anglais.
"JE ME SENS FORTE GRÂCE AUX ENSEIGNANTS ET ENSEIGNANTES QUI M’ONT ACCOMPAGNÉE. ILS ET ELLES M'ONT AIDÉE À ÊTRE PLUS FORTE ET À AMÉLIORER MA CONFIANCE EN MOI". - NADIRA
"Être enseignante me permettra de donner à d'autres enfants qui ont vécu des expériences similaires aux miennes la possibilité de développer leurs compétences, de changer d'état d'esprit et de devenir à l’avenir indépendants et indépendantes", déclare Nadira.
Peu importe où son avenir la mènera, Nadira apportera sans aucun doute avec elle son empathie et son désir d'autonomiser les autres.
Le programme EQIE (Enhancing Quality and Inclusive Education) existe grâce au soutien généreux de NORAD. Ce programme vise à améliorer l'accès à une éducation de qualité pour les enfants marginalisés, y compris les enfants handicapés, en Éthiopie, au Liban, au Mozambique, dans les territoires palestiniens et en Tanzanie.